11/05 — Fini la récusation systématique des juges dans le but de retarder les procès pendant des mois

Ces dernières années, nous avons constaté une forte augmentation du nombre de récusations de juges. Dans le ressort d’Anvers-Limbourg, par exemple, on a observé une multiplication par trois au cours des dernières années. Cette situation est en partie due à l’utilisation abusive de ce système dans le seul but de retarder les procès. Une loi introduite par le ministre de la Justice Paul Van Tigchelt devant y remédier a été approuvée en séance plénière du Parlement fédéral. Les avocats ne pourront plus demander la récusation des juges pour tenter de reporter des affaires judiciaires de plusieurs mois. Le droit de récusation n’est en rien affecté. Toutefois, on veillera à ce que les demandes de récusation n’entraînent pas automatiquement des retards. Finies donc les récusations à visée dilatoire, une méthode employée souvent en particulier dans les affaires de drogue.  

La procédure de récusation a été créée pour garantir que chaque affaire judiciaire soit traitée de manière objective et impartiale. Les parties à un procès peuvent demander qu’un juge ou un expert se retire s’il existe des doutes quant à son impartialité. Si le juge accepte la demande de récusation, il se retire et est remplacé. Si le juge n’est pas d’accord, une juridiction supérieure doit décider dans les huit jours s’il convient de remplacer le juge ou non. 

Triplement du nombre de récusations 

Le nombre de demandes de récusation à l’encontre des juges a fortement augmenté ces dernières années. En 2021, 2022 et 2023, par exemple, il y a eu respectivement 18, 16 et 14 demandes de récusation dans le ressort d’Anvers-Limbourg. Il s’agit d’un triplement par rapport aux trois années précédentes : en 2018, 2019 et 2020, il y a eu respectivement 4, 6 et 6 demandes de récusation. Un record a même été battu le 18 janvier 2024 : ce jour-là, 4 demandes de récusation ont été introduites dans l’arrondissement d’Anvers-Limbourg, soit le même nombre que durant toute l’année 2018. 

Il est frappant de constater qu’un petit groupe d’avocats est responsable de la majorité des demandes de récusation. En outre, la grande majorité de ces demandes de récusation se révèlent finalement irrecevables et/ou infondées. Sur les 14 demandes de récusation introduites dans le ressort d’Anvers-Limbourg en 2023, seulement 3 ont finalement été déclarées recevables et fondées. Il est clair que les demandes de récusation sont utilisées comme une tactique de retardement plutôt que par réelle crainte d’impartialité.  

En effet, même si la demande de récusation est rejetée et que le juge continue à traiter l’affaire, une nouvelle date d’audience doit être fixée et le ministère public doit, en vertu de la loi, convoquer ou citer à nouveau les parties à cette fin. L’article 55 du Code judiciaire prévoit que le délai minimum de convocation de huit jours est prolongé de 15 jours si les parties résident dans un pays limitrophe, de 30 jours si elles résident dans un autre pays européen et de 80 jours si elles résident sur un autre continent. Dans tous les cas, une demande de récusation dont on peut présumer qu’elle sera déclarée irrecevable ou infondée entraîne un retard important dans la procédure judiciaire. Pour un prévenu résidant aux Émirats arabes unis, par exemple, il faut compter au moins trois mois de plus avant que l’affaire ne puisse être renvoyée devant le tribunal. 

Les nouvelles citations ne sont plus obligatoires 

Le ministre de la Justice, Paul Van Tigchelt, veut éviter que la récusation ne soit demandée dans le seul but de retarder les procès. Et ce, sans toucher au droit de récusation. Cela garantit le droit à un procès équitable, un droit fondamental inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme. Le problème de l’obstruction systématique est donc résolu par une modification apportée au Code judiciaire.  

Il est ajouté à l’article 837 du Code judiciaire que le juge peut déjà fixer une prochaine date d’audience si une demande de récusation est introduite, et ce, quelle que soit l’issue de cette demande et le juge qui traitera l’affaire. Cela ne nécessite pas que les parties soient à nouveau citées à comparaître ou convoquées. Ainsi, le tribunal pourra désormais s’assurer que les affaires ne sont pas systématiquement reportées en raison de demandes de récusation inutiles et qu’elles peuvent reprendre rapidement.   

En outre, la loi prévoit que les prévenus qui souhaitent introduire une demande de récusation doivent déclarer un domicile en Belgique. Les prévenus qui se trouvent à l’étranger peuvent indiquer l’adresse de leur avocat en Belgique à cette fin. En pratique, cela signifie que si une nouvelle citation à comparaître est transmise, le délai d’assignation pour les personnes à l’étranger n’est plus d’application.  

La modification de loi a été approuvée lors de la séance plénière du Parlement fédéral le 8 mai, dans le cadre du projet de loi portant dispositions en matière de digitalisation de la justice et dispositions diverses II. Elle entrera en vigueur prochainement, après sa publication au Moniteur belge.  Paul Van Tigchelt, ministre de la Justice : « Les avocats sont des acteurs essentiels de l’État de droit et contribuent au bon fonctionnement de la justice. La grande majorité des avocats ont recours à la récusation en toute bonne conscience. Toutefois, un nombre limité d’avocats est responsable de la forte augmentation récente du nombre de demandes de récusation. Souvent, cela se produit dans de grandes affaires de drogue à la demande de prévenus qui se trouvent à l’étranger et qui tentent de retarder leur condamnation. C’est pourquoi nous modifions les dispositions relatives à la récusation dans le Code judiciaire. Le droit de récusation ne sera en aucun cas affecté. Toutefois, nous mettons fin aux récusations à visée dilatoire dans les affaires judiciaires ».