05/05 — L’avenir de la police fédérale belge

Bien que la police fasse un excellent travail notamment dans la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, nos organisations policières se heurtent à leurs limites. La société évolue à grande vitesse, or le modèle organisationnel de la police est resté pratiquement inchangé depuis la réforme de la police de 1998. De ce fait, la police n’est pas assez agile pour faire face de manière décisive aux nouveaux phénomènes et formes de criminalité. Il est clair que le prochain gouvernement va devoir entamer une réforme en profondeur de la police. Raison pour laquelle, le ministre de la Justice, Paul Van Tigchelt, a élaboré un plan détaillant les contours de cette réforme de la police.

Notre pays compte actuellement 50.000 policiers, contre 37.000 il y a une vingtaine d’années. Nous n’avons donc pas besoin de plus de policiers. Il y en a suffisamment. En revanche, ils doivent être plus présents sur le terrain. Pour à nouveau mettre la police en capacité d’affronter les défis d’aujourd’hui et de demain, il faut simplifier considérablement la structure organisationnelle et mettre en place une police numérique qui fonctionne efficacement et laisse des tâches simples à la technologie. La police doit également pouvoir se concentrer pleinement sur sa mission première, la sécurité, plutôt que de servir de service d’inspection pour toutes sortes de réglementations administratives.

  1. Organisation simplifiée pour la police fédérale et la police locale

Notre pays compte actuellement 182 zones de police. La sécurité peut avoir un certain coût, mais il faut qu’il y ait une certaine efficacité au niveau, entre autres, de l’administration, de la capacité de recherche, de la prestation de services, du management et des marchés publics. De plus, dans certaines zones, 90 % du budget sont consacrés aux frais de personnel et seulement 10 % au soutien technique, au fonctionnement et à l’innovation numérique. Par ailleurs, la police fédérale a un modèle organisationnel trop lourd, trop morcelé et trop hiérarchique, ce qui la rend trop peu agile. 

C’est pourquoi :

  • Une réorganisation complète des zones de police s’impose avec une fusion obligatoire en une quinzaine de zones wallonnes, une quinzaine zones flamandes et 1 zone bruxelloise. Cette démarche permet de réaliser des économies d’échelle dans toutes les zones et de faire en sorte que l’on puisse lutter contre la criminalité avec la même efficacité dans toutes les zones.
  • Le financement sera lié à des objectifs spécifiques à long terme. Un maximum de 75 % pourra être consacré aux frais de personnel et 25 % devra être investi dans le fonctionnement, le soutien technique et l’innovation numérique. Nous devons déployer les policiers de manière plus intelligente.
  • La police fédérale assurera uniquement les tâches que les zones de police locale ne sont pas en mesure d’effectuer. La police fédérale est spécialisée et ne travaille que sur des questions complexes et transfrontalières ou au niveau aérien, maritime, ferroviaire et autoroutier.
  • La police fédérale n’assure plus le soutien logistique pour les zones locales ni pour elle-même. Cette tâche incombe au Service général d’Appui policier.
  1. Police numérique : pas seulement des outils d’IA, mais aussi de l’IA dans les enquêtes et des agents IA

Le policier moyen passe 30 % de son temps, soit près de deux jours par semaine, au bureau pour rédiger des procès-verbaux, encoder des données dans les applications de police et effectuer d’autres tâches administratives. L’intelligence artificielle doit prendre en charge ce travail. 25 % du budget des moyens de fonctionnement doivent être investis dans l’innovation technologique qui prend en charge ce travail administratif chronophage. L’objectif n’est pas que l’IA remplace les policiers, mais plutôt que ces derniers puissent se concentrer sur leurs tâches principales grâce à l’IA. 

C’est pourquoi :

  • Les outils d’IA serviront à rédiger les procès-verbaux, taper les auditions, traduire automatiquement, transcrire les écoutes téléphoniques et analyser les images vidéo.
  • Mais il faut aussi de l’IA dans les enquêtes, qui sera chargée d’analyser les informations recueillies pour les infractions pénales et d’établir des liens avec d’autres dossiers. Le tout, bien sûr, sous l’œil attentif d’un fonctionnaire de police qualifié.
  • Un bureau de police numérique disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sur police-on-web et doté d’un agent d’intelligence artificielle est nécessaire. Les citoyens pourront y faire leurs dépositions, quelle que soit l’heure de la journée. Donc également s’ils s’aperçoivent à 4 heures du matin qu’ils sont victimes d’un hameçonnage.
  • L’agent d’IA va au-delà d’un chatbot qui répond à des questions, recommande des actions ou enregistre des dépositions. Celui-ci prend également des mesures immédiates et dispose de certains pouvoirs de police. Par exemple, en cas d’hameçonnage, il peut engager une action auprès d’une banque pour empêcher une transaction. Le cas échéant, seulement après validation par l’officier de police judiciaire et le magistrat de garde.
  • Prévoir une bodycam pour chaque agent permet aux outils d’IA de rédiger les PV sur la base des images enregistrées.
  1. Retour aux missions principales : la police n’est pas une entreprise de surveillance ou un service d’inspection 

Les pouvoirs de la police ont été élargis de manière exponentielle ces dernières années. La police est déployée pour toutes sortes de tâches de surveillance et de sécurité. Elle l’est également pour assurer le contrôle de l’application de la législation respect pour des matières fédérales telles que notamment la sécurité alimentaire, l’emploi, la santé ainsi que de compétences des entités fédérées. Ainsi, il existe entre-temps 45 services d’inspection en Flandre, alors que la police reste souvent chargée de ce contrôle. Dans le seul domaine de l’environnement, la police établit quelque 12.000 procès-verbaux par an.

C’est pourquoi : 

  • De manière générale, il faut mettre un frein à la profusion de législations. En effet, cette volonté de toujours vouloir faire appliquer ces règles au niveau pénal engendre une importante charge de travail pour la police, ce qui l’éloigne de ses missions principales. 
  • Le contrôle du respect de compétences telles que l’environnement, le bien-être animal et les infractions en matière de construction, ne pourront plus relever des compétences de la police. Les services d’inspection sont eux-mêmes responsables de ce contrôle et du suivi de leurs constatations. Ce n’est que dans les cas de flagrant délit, comme un cas grave de maltraitance animale, que la police peut établir un constat et le transmettre au service d’inspection.
  • De nombreuses tâches non essentielles de la police peuvent être privatisées. Les sociétés privées de gardiennage doivent être davantage utilisées, par exemple pour visionner les images des caméras en temps réel, effectuer des missions de surveillance et sécuriser des événements. La police pilote ces services, mais n’en assume plus la charge et ne déploie plus ses propres effectifs.
  • La lutte contre la criminalité redevient le core business de la police. Les effectifs ainsi libérés doivent être déployés en permanence dans les quartiers à forte criminalité. L’approche mettant en œuvre une présence et un suivi continus, connue sous le nom de « Very Irritating Police » (VIP), a fait ses preuves par le passé. 
  • L’accomplissement des tâches essentielles commence par la sécurité de chaque policier, avec une meilleure détection des infiltrations de la criminalité organisée, des équipements de protection de pointe et des bodycams pour tous ceux qui sont sur le terrain.