« Travailler doit constituer le principe de départ des peines de prison. C’est le meilleur moyen de se réinsérer, de rembourser les victimes, d’obtenir une certaine structure et de construire une vie sans criminalité. » Le ministre de la Justice, Paul Van Tigchelt, souhaite voir les détenus travailler en masse et propose, entre autres, une boutique en ligne dans les prisons et des collaborations à grande échelle avec des entreprises dans les secteurs confrontés à une pénurie de main-d’œuvre. Mais il ose aussi aller plus loin. « Pour certains groupes de détenus, une mise à l’écart de la société pendant un certain temps est nécessaire en raison des faits qu’ils ont commis. Mais ces détenus peuvent aussi travailler. Mieux vaut passer deux ans en mer à gagner de l’argent afin de pouvoir indemniser les victimes, que deux ans dans une cellule à ne rien faire. Tout le monde doit se rendre utile. »
En février, le nouveau Code pénal a jeté les bases contemporaines d’une politique pénitentiaire dans notre pays. Les peines d’emprisonnement ne constituent plus le point de départ, mais des peines alternatives qui permettent de mieux ramener les personnes condamnées sur le droit chemin et de les faire revenir à de meilleurs sentiments. « La prochaine étape consiste à présent à élaborer un Code de l’exécution des peines qui fixe la manière dont les peines peuvent et doivent être exécutées. En effet, à l’heure actuelle, l’exécution des peines est régie par plusieurs lois distinctes et fragmentées. Il n’y a pas de vision ni de fil conducteur. » Le ministre de la Justice Van Tigchelt a désigné, par l’arrêté royal du 13 mars 2024, une commission d’experts chargée de préparer un Code d’exécution des peines afin qu’il soit prêt pour le prochain gouvernement. Selon le ministre Van Tigchelt, le travail doit être plus que jamais au centre de ce Code d’exécution des peines. « C’est la meilleure façon d’apprendre un métier honnête, de se réinsérer dans la société, de structurer sa vie et d’indemniser les victimes. »
Coût d’un détenu : 150 euros par jour
Aujourd’hui, il y a plus de 12.000 personnes en prison qui coûtent très cher à la société. « Un détenu coûte en moyenne 150 euros par jour. Cela représente un coût important. De plus, se contenter d’emprisonner des condamnés ne garantit pas une sécurité à long terme. Ceux qui finissent en prison ont 70 % de risques de retomber dans la criminalité » déclare le ministre. C’est pourquoi des projets comme Cellmade fournissent du travail en prison. Certains détenus travaillent également en dehors de la prison ou de la maison de détention, grâce à des permis de sortie. Nonobstant pour de nombreux détenus, la situation est telle qu’ils ne font rien d’utile de toute la journée.
« Nous devons donc changer radicalement de cap. Travailler en tant que détenu doit devenir la norme : en prison, mais aussi à l’extérieur lorsqu’ils sont éligibles à une libération conditionnelle. Nous pourrions par exemple recourir à des détenus pour des métiers en pénurie », poursuit le ministre Van Tigchelt. À cette fin, il envisage, entre autres, des contrats de collaboration avec des entreprises dans les secteurs où il existe une pénurie de main-d’œuvre, mais aussi une boutique en ligne de la prison où les produits fabriqués dans les prisons sont vendus directement aux consommateurs.
Envoyer des détenus en mer pendant deux ans
« Les détenus qui entrent en ligne de compte pour une libération conditionnelle peuvent travailler en dehors de la prison sous des conditions strictes ou sous surveillance électronique, par exemple. Ainsi, il faudra prévoir dans le Code d’exécution des peines comment le salaire sera réparti entre l’indemnisation de la victime, la couverture des frais de séjour en prison et le paiement des dettes et des amendes dues. Bien entendu, le détenu doit pouvoir en conserver une partie et se constituer un capital pour lui permettre de commencer une nouvelle vie après sa condamnation et avoir appris l’indispensable éthique du travail. Mais le fait de travailler pendant l’exécution de la peine doit en premier lieu être indissolublement lié au paiement d’indemnités. Cet aspect doit également figurer dans la loi. »
Le ministre précise que le travail en dehors de la prison n’est pas applicable à tout le monde. « Il existe assurément une catégorie de condamnés qui doivent être extraits de la société pendant un certain temps en raison de la nature des faits commis et des victimes. Mais pour eux aussi, il existe une solution. Donnez-leur, par exemple, la possibilité d’aller travailler en mer, à l’écart de la société mais en se rendant utile. Prenons l’exemple d’un détenu qui doit encore purger une peine d’emprisonnement de deux ans, donnons-lui le choix de passer ces deux années en mer. Dans le secteur du dragage, par exemple. Dans ce domaine, nous pouvons également créer des partenariats avec le secteur privé. »
Une solution réaliste
« J’ai déjà entendu des propositions concernant des bateaux-prisons, des prisons sur des îles inhabitées et des prisons à louer au Kosovo ou au Maroc. C’est du populisme qui n’apporte rien. Cela n’aidera personne, ni les victimes, ni la société, ni vous, ni moi, ni le détenu. Cela coûte uniquement de l’argent. », déclare le ministre Van Tigchelt. « Mais les mettre massivement au travail et leur permettre de gagner honnêtement leur vie est l’avenir en matière d’exécution des peines et est réaliste, tant pendant la détention que pendant l’exécution des modalités des peines. En fin de parcours, les détenus auront construit quelque chose, appris un métier et l’éthique du travail, dédommagé les victimes et acquis une certaine structure. C’est le meilleur moyen de lutter contre la criminalité. De plus, cela coûtera beaucoup moins d’argent à la société et les prisons seront aussi moins remplies. »